Sous Une Etoile

Le deuil périnatal

Aujourd’hui, je vais vous parler de mon expérience non pas pour faire pleurer dans les chaumières ou susciter de la sympathie, pas du tout. J’ai envie d’en parler parce que c’est un sujet tabou, c’est un sujet qu’on évite, qui rend mal à l’aise, qui fait peur, qui serre le coeur… J’ai envie d’en parler parce que je veux aussi montrer qu’on peut vivre avec cela sans pour autant se morfondre et tomber dans la dépression, qu’on peut en parler sans s’effondrer.

Le deuil périnatal, c’est perdre son enfant, pendant la grossesse ou pendant les premiers mois de vie.

Avant de le vivre moi-même, j’en avais entendu parler plus ou moins, sur les forums de futures mamans et surtout, et je m’en souviens encore, dans une émission « Ca se discute » avec Delarue.

Je me souviens de ce reportage, de ces parents si courageux, qui avaient même autorisé la caméra lors de l’accouchement. Leur bébé était mort in utéro. Cette maman devait accoucher, par voix basse.

Je me souviens de ma réflexion, de ce que j’en pensais; je me suis dit « Je ne pourrais pas supporter cela si ça m’arrivait. Et quelle cruauté de la faire accoucher par voie basse dans la souffrance, pourquoi ne pas faire une césarienne, en 5 minutes, tout est fini ! ».

L’accouchement par voie basse contribue au travail de deuil, et une césarienne laisse une cicatrice sur le corps… Une cicatrice tellement dure à regarder dans ces conditions… Et puis accoucher de son enfant, même s’il est décédé, c’est l’accompagner jusqu’au bout. C’est un cheminement physique mais aussi psychologique.

Ce reportage m’avait marquée, parce que je n’imaginais pas que cela arrivait. Qu’un bébé pouvait mourir pendant la grossesse, parfois sans raison. Je ne connaissais que les fausses couches parce qu’on en parle quand même un peu plus, même si ça reste un sujet délicat.

A ce moment-là, je ne pensais absolument pas que j’allais le vivre moi aussi.

Je n’oublierai jamais ce jour où je suis allée à la maternité parce que ma gynéco ne captait pas les battements du coeur avec son doppler. On m’a installée dans la salle où, généralement, on vous place sous monito quand vous arrivez pour accoucher. La sage-femme a posé la sonde sur mon ventre. Mon mari était à mes côtés. Sur l’écran, notre bébé. Immobile. A ce moment-là, nous n’espérions qu’une chose, un mouvement, un seul petit mouvement. La sage-femme déplaçait la sonde sur mon ventre, cherchant à tout prix quelque chose. Puis elle a posé la sonde et est sortie. Là, une obstétricienne est arrivée. Nous n’avions pas bougé, pas parlé. Le temps s’était arrêté.

Elle a reposé la sonde sur mon ventre, puis après quelques secondes, cette phrase que je n’oublierai jamais « Je suis désolée, il n’y a aucun mouvement cardiaque ». C’est tout ce qu’elle nous a dit, ou alors, tout ce que j’ai entendu. Je n’ai pas bougé. Mon mari, lui, s’est effondré.

Je n’ai eu aucune réaction pendant les minutes qui ont suivi. Puis on nous a laissé seuls quelques minutes, j’ai juste demandé pardon à mon mari de ne pas avoir su garder notre enfant en vie.

C’était un vendredi après-midi. On m’a fait dormir à la clinique. Puis le samedi matin, je suis rentrée chez moi. On me déclencherait le lundi matin… En attendant, on m’avait donné des médicaments pour faire mûrir le col.

Je suis restée chez moi, tout le week-end, me sentant comme un cercueil, réprimant les gestes de tendresse que j’avais systématiquement depuis plusieurs mois envers mon ventre.

Puis je suis arrivée, la peur au ventre à la clinique le lundi. Tout est allé très vite et je vous passe les détails de l’accouchement.

Je suis sortie le lendemain après le passage d’une psychiatre dans ma chambre.

Je n’ai pas ressenti le besoin de me confier à qui que ce soit. J’ai juste écrit, quand ça n’allait pas trop, pour libérer un peu mon coeur.

Après trois semaines dans un état oscillant entre larmes et envie de rien, je me suis repris.

je me suis dit que de toute façon, rien ne pouvait changer et que je devais apprendre à vivre avec. Que ça ne servait à rien de se morfondre.

Alors, je me suis reboostée.

Je me forçais un peu à sortir, à rire. Il y a bien sûr eu des moments plus difficiles, des soirées où je pensais ne jamais me sortir de ce chagrin. Des moments de colère, d’injustice; par exemple, quand la caf vous envoie la prime de naissance…

Il y a aussi les dates symboliques, la date théorique où Elle aurait dû naître, la date du test de grossesse, le jour où Elle est née, le jour où Elle aurait dû avoir un an, deux ans, trois ans, quatre ans… Chaque année, je n’oublie pas.

Il m’arrivait et il m’arrive encore de pleurer, parce qu’Elle me manque. Parce que je ne la connaîtrai jamais, je ne verrai jamais son sourire, son regard. Parce que je n’ai pas pu lui dire à quel point je l’aime, à quel point sa place dans mon coeur est grande, parce qu’à chaque grand moment de notre vie, je me dis qu’Elle devrait être là.

On ne fait pas le deuil d’un enfant, on apprend à vivre avec.

Et quand j’entends ou lis des gens qui disent « je ne pourrais pas le supporter si ça m’arrivait », j’ai juste envie de leur dire : »quand tu n’as pas le choix, tu affrontes, tu te bats et c’est tout. »

On est tiraillée très souvent entre l’envie d’en parler et l’envie de ne pas étaler sa vie, de ne pas mettre les gens mal à l’aise.

Combien de fois m’a-t-on demandé si Miss C. était mon premier enfant. Et combien de fois ai-je eu envie de dire que non, elle avait une grande soeur, qui vivait uniquement dans nos coeurs.

Beaucoup de personnes ne savent pas trop quoi dire quand le sujet est abordé. Ou même quand ils apprennent que vous venez de vivre cela. Nous avons reçu des marques d’amitié, des fleurs, des sms, des mails. Finalement, c’est plus facile de ne pas être en face. Parce qu’elles ont peur que vous vous mettiez à pleurer, parce qu’il n’y a pas grand chose à dire devant une chose si horrible, si inimaginable.

J’avoue que si c’était arrivé à une de mes amies, j’aurais moi aussi été mal à l’aise. J’aurais eu peur d’être maladroite, je n’aurai pas su quoi dire.

Alors, c’est souvent moi qui abordais le sujet, quand j’avais envie d’en parler. Parce que je ne veux pas qu’on oublie ma fille. Je sais que c’est difficile pour les autres, que c’est totalement abstrait, que ce bébé n’a existé que pour nous.

Aujourd’hui, je n’en parle plus, ou très peu. Je n’en ai pas besoin, je pense juste à Elle souvent.

Elle est avec moi chaque jour, chaque nuit.

Elle est ma force, Elle est mon Ange Gardien.

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