Et il m’a pris la main…

Il y a 7 ans, je vivais le pire jour de ma vie.

Ce qu’on souhaite ne jamais connaître, ce qu’on pense ne jamais surmonter.

Alors que son cœur ne battait plus, il fallait qu’elle sorte de ce ventre qui n’avait pas su la faire grandir et naître en vie.

On m’a donné des médicaments, et tout s’est passé très vite. Très vite et en même temps tellement lentement, cela faisait 3 jours que je savais, que notre monde s’était écroulé, que nos espoirs, nos projets, notre désir de devenir parents s’étaient envolé en une seconde, en une phrase, en un silence terrible devant cette sonde reliée à un écran.

Je voulais revenir en arrière pour pouvoir faire quelque chose, pour aller à la maternité et leur dire que mon bébé allait mourir, je voulais revenir en arrière et ne pas entendre ce qu’on venait de me dire, continuer ma vie, ma grossesse, sereinement.

Je voulais avancer dans le temps pour ne plus avoir mal, pour ne plus avoir le cœur en mille morceaux, pour essayer d’oublier que je n’avais pas su donner la vie.

Quand les contractions se sont intensifiées, j’ai voulu mourir. De douleur, de souffrance, j’avais cette impression qu’à chaque contraction, ce n’était pas seulement mon ventre qui se déchirait, c’était aussi mon cœur, ma vie toute entière.

Puis voilà, c’était fini. Mon ventre était vide, j’étais allongée là, dans cette salle emplie d’un silence morbide.

Et mon obstétricien est entré, me regardant droit dans les yeux. Sans un mot. Cet homme si doux, proche de la retraite, dont le métier était une réelle vocation, ses cheveux gris, ses yeux bleus, son sourire discret mais sincère.

Il s’est approché et il m’a pris la main. Il a posé son autre main sur la mienne et l »a serré fort.

Il m’a tenu la main pendant de longues minutes, sans parler, respectant mes larmes et mon silence, ma tristesse. Parce qu’il n’y a rien à dire dans ces moments-là, parce que ce geste était bien plus que des mots.

Il en a sûrement connu d’autres pendant sa carrière… d’autres parents meurtris par la perte de leur bébé.

Mais s’il leur a montré son soutien, comme il l’a fait avec nous, alors, tous ces couples, comme nous, se souviendront de ce geste si touchant, de la part d’un médecin, d’un homme qui ne les connaît pas personnellement mais qui peut comprendre la douleur et le chagrin sans dire un mot.

En tout cas, jusqu’à la fin de ma vie, je sentirai encore ses mains serrant la mienne.

deuil perinatal

29 comments

  1. sonia says:

    oh la la, quelle souffrance…les larmes aux yeux au bureau, en tout cas très beaux mots et en effet tous les médecins devraient avoir ce don d’aider et réconforter

  2. Florence Batmax says:

    J’ai malheureusement connu la même douleur. Même si chaque douleur est différente. Ma gynécologue s’est très mal comportée. C’est une sage femme qui m’a soutenue, écoutée, réconfortée. Mon chéri l’a retrouve plus tard dans le couloir … devant ma porte …. en larmes. Certains professionnels sont dotés d’une empathie hors du commun. Ton gynécologue en faisait partie.

  3. Emma says:

    Il n’y a rien de pire que de perdre un enfant. Tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas imaginer ce que c’est. Quelle chance d’avoir eu une personne si humaine à tes côtés…
    Tu partages de jolies choses avec nous et jet t’ai du coup taguée pour te connaitre encore mieux: http://emmaetc.com/2014/04/25/taguee/

  4. Roseetsonbazar says:

    Oh, c’est tellement touchant… Et ca doit être tellement dur de perdre un enfant, de s’en remettre. Encore 8 ans plus tard, ca doit être toujours aussi difficile… Mais tu as rencontré ce médecin, il a certainement pu t’aider psychologiquement parlant. En tout cas, tu as une belle écriture, j’ai envie de dire « bon courage » malgré les années passées…

  5. Pascaline says:

    Ma maman a fait 6 fausses couches avant d’être enceinte de moi donc je peux dire que ton article me touche beaucoup. En lisant tes mots tellement touchants, je comprends qu’elle a dû beaucoup souffrir, autant physiquement que psychologiquement. J’espère qu’elle aussi a croisé la route de personnes aussi empathiques et compréhensives que ton gynécologue. Je suis heureuse d’être tombée par hasard sur ton blog et donc, d’avoir pu lire ton superbe article.

  6. san0707 says:

    Il n’y a pas de mots pour dire ce que ‘on ressent quand on lit ton texte, il exprime juste un moment d’une juste humanité. Merci.

  7. Rochko says:

    Je me baladais sur pinterest et suis tombée sur votre profil et en cliquant sur le lien je suis tombée sur votre témoignage. C’est comme si je vous avais en face de moi et que je vous écoutais. J’ai une petite fille de 3 ans et tout va bien mais je ne peux être insensible à ces parents, ces mères qui ont perdu un enfant. C’est inhumain. Je ressens votre douleur dans ma chair car c’est de cela dont il s’agit: un être qui grandit en nous. Avec toute ma compassion. Sandrine

  8. adeline says:

    Je n ai jamais eu à vivre un moment pareil. . Je ne connais pas cette douleur…
    Ton témoignage est fort en émotions…
    En tant que maman nous ne pouvons être que touchées…

  9. Amandine says:

    Il y a des souffrances qui sont difficilement exprimables et tu as réussi à poser ça noir sur blanc avec talent! Je suis passée aussi par des moments difficiles et l’empathie dans le silence des soignants est d’or. Aujourd’hui tu as deux belles petites filles mais ces moments là ne s’oublient pas… ♥

  10. tante lili says:

    Quelle chance tu as eu !! Quelle chance d’être entourée par un médecin tellement compréhensif. J’ai perdu ma fille Joséphine en cours de grossesse il y a un peu plus de trois ans. C’était un contexte différent puisque avec mon mari nous avions décidé d’aller au bout d’une grossesse avec un bébé porteur d’une trisomie 18 mais la seule chose que j’ai eu à la naissance de ma fille ce sont des propose malhabile et déplacés  » la prochaine fois venez avec des vêtements qui se ferment dans le dos parce que là on a eu du mal à l’habiller » ou encore « on a retrouvé toutes les malformations qui ont été vues lors des échographies »

    Pas un mot de réconfort, pas un geste amical. Rien n’excuse l’attitude honteusement inhumaine de ces sages-femmes (homme au passage) J’ai écrit un courrier à l’hôpital un an après la naissance de ma fille pour exprimer mon mécontentement et ma colère et j’ai reçu une réponse quelconque mais au moins j’ai exprimé mon ressenti en espérant que ça serve de leçon et que ça aide d’autres mamans.

    Merci pour ce beau témoignage qui m’a arraché des larmes.

  11. les taratatas de sandra says:

    j’ai vécu le même drame, mon petit Alexis s’en est allée après 8mois passé dans mon ventre. Et 10 ans plus tard, c’est toujours aussi dur!
    Bisous de réconfort.
    Je suis sûre que nos anges sont ensemble là-haut.
    Sandra

Laisser un commentaire