Il y a deux mois, tout allait bien. Puis le lundi, la routine de la semaine a repris, les cours pour moi jusqu’à 20h00 à 70km de la maison, le travail pour Monsieur, l’école pour les filles. La danse classique à 17h30 pour la grande et la nounou pour la petite en attendant que papa vienne la chercher.
Et puis à 19h00, mon téléphone sonne. Je suis en cours, je vois que c’est mon mari, ca me semble bizarre parce qu’il sait que je termine à 20h00. Alors je lui envoie tout de suite un SMS en disant que je serais en pause 5 minutes plus tard et que je le rappelle à ce moment là. Puis mon téléphone vibre, il m’a laissé un message sur ma messagerie. Le prof nous invite à faire une pause. J’écoute tout de suite mon répondeur.
« Je vais aux urgences, une voiture a renversé MiniMiss« …
Et mon cœur s’est arrêté.
J’ai entendu vaguement la suite « ne t’en fais pas, c’est juste la jambe qui est touchée. »
J’ai attrapé mon sac, j’ai prévenu le prof et suis partie en courant. J’ai maudit les difficultés de stationnement autour de l’université et le chemin interminable qu’il me restait à faire jusqu’à ma voiture.
Mon cœur s’était remis à battre, bien trop fort, bien trop vite.
Les larmes me montaient.
Putain, mais qu’est-ce que je fais là, à 70 bornes de chez moi, à 19h00, alors que ma fille a besoin de sa maman!?
Je culpabilisais déjà de finir si tard le lundi et le mardi juste pour avoir un diplôme. Alors imaginez bien la remise en question de tout cela durant le trajet vers l’hôpital.
Les 45 minutes de route m’ont paru tellement longues jusqu’au CHR.
Et puis je suis arrivée et je suis entrée dans la salle de déshockage des urgences où ma fille était avec son papa.
Et là, mon cœur s’est brisé…
et mes larmes ont coulé. Voir ma fille, vêtue d’une blouse blanche bien trop grande pour elle, branchée de partout, allongée avec le pied immobilisé. Mon Dieu, elle était si petite dans ce grand lit. Elle serrait son doudou très fort contre elle. Et mon mari était assis à côté d’elle.
Je crois que cette vision restera gravée en moi.
Je l’ai câlinée, en prenant soin de ne pas toucher à tous les tuyaux qui la reliaient aux machines.
Une infirmière est venue la chercher pour passer la radio. Il était 20h15 environ.
Puis mon mari est rentré s’occuper de notre aînée qui était chez les voisins. Il était bouleversé. J’ai insisté pour qu’il rentre et se repose.
Le médecin est venu me dire que le tibia et le péroné étaient bien fracturés. En même temps, quand tu as 4 ans et demi et qu’une voiture te roule dessus et s’arrête sur ta jambe, l’issue ne peut pas être meilleure…
On me demande à quelle heure elle a pris le dernier repas, si elle a bu, si elle a des allergies parce qu’elle va devoir passer au bloc, sous anesthésie générale.
Là, le stress qui s’était apaisé repart de plus belle.
A 22h45, une infirmière vient la chercher. Je lui dit que Doudou reste avec elle mais que maman ne peut pas et attend juste là, derrière la porte.
Elle paraît toujours si petite dans ce lit qui s’éloigne vers le bloc et que je ne peux pas suivre derrière ces portes.
Une attente interminable s’en suit. On me dit une demie-heure maxi, anesthésie générale, réduction de fracture, pas de chirurgie.
Ok, donc une demie-heure, ça veut dire qu’à 23h30 maxi, je la retrouverai.
Je suis restée dans ce couloir, où les gens passent, où les lits passent. À 23h30, je me suis rapprochée des portes du bloc. Il n’y avait personne. Personne qui pouvait me renseigner, me rassurer.
Je me suis dit « et si elle a fait une allergie? Apres tout on ne sait pas puisqu’elle n’a jamais été opérée »
Et si ça se passe mal?
Est-ce qu’ils sont en train de la réanimer???
Elle est revenue du bloc à 23h45, après que j’aie épuisé toutes les hypothèses les plus négatives.
Elle dormait, avec un petit tube sur la langue qu’elle recracherait toute seule en se réveillant, dixit l’infirmière.
Je suis restée à côté d’elle, en traquant la moindre de ses respirations. Puis elle a commencé à bouger, à gémir.
Et à pleurer.
Elle n’avait pas encore pleuré depuis que cette voiture lui avait roulé dessus. Et quand ta fille pleure parce qu’elle a mal et qu’elle veut juste « rentrer à la maison »,
ce qu’il reste de ton cœur se brise encore.
Après avoir reçu des antidouleurs et être restée 2 heures sous surveillance, nous avons enfin pu monter dans une chambre, au calme.
La nuit fût courte et rythmée par les prises de température et de tension, le chirurgien, la coupe du plâtre parce qu’il était trop serré et les pleurs et la douleur…
Nous sommes restés deux jours de plus à l’hôpital et sommes rentrées.
Ça fait 8 semaines et demi… Le plâtre sera enlevé dans une semaine. 2 mois avec une jambe plâtrée jusqu’en haut, 2 mois en fauteuil roulant, 2 mois sans piscine, sans courir, sans trottinette ni vélo, 2 mois pour une petite fille de 4 ans et demi, c’est une éternité.
2 mois, de mon côté, ce sont des nuits trop courtes, à faire des cauchemars, à m’épuiser parce qu’il faut jongler entre les cours, le boulot, le quotidien et une petite puce totalement dépendante qu’il faut porter sans cesse et qu’il faut câliner et rassurer quand le ras-le-bol prend le dessus.
Ce sont aussi 2 mois à me dire que si elle avait fait un pas de plus, ce n’est pas seulement sa jambe qui aurait été sous la roue de cette voiture.
2 mois à me dire qu’elle est là, toujours là, vivante et souriante.
Et que mon cœur de maman va surmonter ce traumatisme comme cette petite puce si forte l’a fait en gardant sa joie de vivre.